dimanche 14 juin 2020

Où sont passés les tuyaux n°2 (1922-1960)




   A Nevers, on pompe de l'eau en Loire -avec plus ou moins de réussite- depuis 1830. 
   En novembre 1922, est mise en route une nouvelle usine élévatoire, moderne,  construite au bout du port de la Jonction. 


  L'installation pompe au moyen d’un moteur électrique l’eau de la Loire, via quatre puits verticaux installés à proximité et captant seulement par leur fond.
 On constate rapidement que ces puits sont colmatés par le sable et les sédiments. L’analyse de l’eau montre aussi un taux excessif en manganèse. En août 1923, sont donc mis en service, quatre puits supplémentaires  construits suivant la même structure, et le réservoir d'eau  en haut des Montapins est agrandi en 1924... (il finira par abriter 3 cuves de 4000m2 chacune)

le réservoir des Montapins (collection personnelle)


  Mais - les mêmes causes produisant évidemment les mêmes effets-  les  4 nouveaux puits  s'ensablent tout aussi vite que les  4 premiers.


vue aérienne de1925 , en bas à droite les 2 rangées de 4 puits  (à gauche, le bout du bassin de la jonction)

 

les 8 puits en 1928. Collection personnelle

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  Il faut donc remédier à cette situation.  
  Au printemps 1931, on adjuge donc à une entreprise cosnoise, la Société Nivernaise d'Entreprises Electriques et d'Applications du Béton Armé, les travaux à réaliser pour mettre fin à ces problèmes.   
    La nouvelle société renonce au système des puits verticaux en vigueur jusqu'ici, et se tourne vers un drainage horizontal par buses filtrantes, malgré l’opposition des tenants des puits verticaux, qui pensent pouvoir pallier aux défauts du système vertical initial sans surcoûts insupportables.

  La Société concessionnaire met donc en place le long du lit de la Loire, à la hauteur du Peuplier seul, un captage par un maillage de 425 mètres de buses filtrantes horizontales en ciment de Portland.  L'eau ainsi collectée s’y écoule naturellement vers un seul des anciens puits verticaux où elle est alors pompée .





collection personnelle



   Problème :  l'entreprise maitre d’œuvre fait banqueroute. 
   Les travaux doivent être repris en l’état par la Société Auxiliaire des Eaux (la fameuse S. A. D. E.) suivant une convention signée en août 1934 avec la municipalité..
     Rapidement, les buses de ciment installées par l’ancien constructeur montrent  des signes de détérioration, et dès 1936 force est de constater qu’ils ne fonctionnent plus convenablement . Il faut une fois de plus - un cauchemar permanent de la Municipalité depuis les premiers pompages en Loire au XIXème siècle- revoir  le système de captage. Plusieurs spécialistes sont consultés : certains en imputent la cause à l'eau de Loire «incompatible » avec le ciment, car trop agressive et trop acide....
  D’autres s’interrogent sur la qualité du ciment employé, mettant même en doute qu'il s'agisse réellement de ciment, et non d'un matériau de récupération recompacté à bas coûts.
 Les adversaires du captage par drainage  horizontal en profitent pour redonner de la voix . La porosité des buses a-t- elle bien été calculée pour que les grains de sable amenés par le pompage ne les colmatent pas ? Sont-elles enfouies à une profondeur suffisante, pour les mettre à l'abri des fluctuations de la température, et se trouver toujours immergées, même pendant les plus basses eaux? 

   Dans l’intervalle, la S. A. D. E. a présenté en 1935 un projet d'amélioration des conduites, avec construction d'un réservoir sur tour,  devis accepté par le Conseil Municipal et entièrement réalisé durant l'année 1936. Coût : 2 millions  300 mille francs  que la S.A.D.E. réalise à ses frais.. ce qui soulage la ville.


  A gauche la station de pompage, à droite le réservoir-tour


     Mais, l'alimentation en eau au point de départ du pompage est toujours insuffisante pour satisfaire la consommation urbaine, et reste inférieure aux projections calculées. 
   L'analyse d'un ponte de la pompe est alors requise, et c'est le sieur Joffet, ingénieur en chef de la Ville de Paris, chargé de l'étude des captages des Vals-de-Loire, qui est chargé de cet épineux dossier.
  Les conclusions de Joffet sont sans ambiguïté : le système de captage à base de drains horizontaux en béton, disposés dans les alluvions du fleuve, est inadéquat. Et l'ingénieur en Chef de préconiser une nouvelle méthode utilisant des puits filtrants verticaux, peu coûteux, mais différents des puits originels en ce qu'ils  vont recueillir l’eau sur pratiquement toute leur hauteur, -et non uniquement par leur fond comme ceux de 1922-923- et peuvent être munis d'une crépine  décolmatable (une sorte de grillage fin) pour en simplifier le curage et l'entretien.

  Quatre de ces puits, selon le spécialiste, peuvent fournir par jour 13.000 mètres cubes par jour d’eau potable et fraîche , et le pompage est  possible par l'ancien puits déjà aménagé en collecteur. Le montant des travaux ? Pas plus de 700.000 francs. D'ailleurs, ajoute Joffet, une installation existe déjà. Bien sûr, elle ne fournit pas assez, mais , comme appoint, un ou deux de ces nouveaux puits verticaux avec un débit prévisionnel d’environ 3200 m3/ jour peuvent suffire.

   En août 1936 la S. A. D. E démarre le forage d’un puits d'essai constitué par trois tubes concentriques en tôle d'acier semi-inoxydable, finement percés pour arrêter les plus petits grains de sable, (remplaçant donc la fameuse  »crépine décolmatable ») Les essais prouvent le système capable de débiter 3.900 mètres cubes par 24 heures. Misson accomplie, pourrait-on se dire… sauf que, pour des raisons complexes tenant à une rédaction ambigüe des contrats, ce puits n'est pas mis en marche et raccordé au réseau...les nouveaux travaux proposés par la S.A.D.E, et surtout leur coût, ne sont pas acceptés en 1938 par la Commission municipale des Travaux qui déclare préférer s'en tenir à l'ancienne installation en drains horizontaux,  et demande à la S. A. D. E. d'en assurer l'entretien à ses frais.

 En mars 1940, les effondrements des canalisations se multiplient  dans le vieux réseau de drains en "ciment", la S. A. D. E. propose son remplacement par un réseau de 428 mètres de drains également horizontaux mais construits en acier inoxydable.
 Les travaux sont commencés en juillet-août 1940, après la défaite militaire et l’arrivée des Allemands  (qui veulent de l’eau pour leurs soldats et leur chevaux !) , pendant une période où le niveau des eaux est suffisamment bas . 
 En 1941 , les eaux sont par contre trop hautes est le chantier doit être stoppé . 
 En 1942 on a posé seulement 260 m (sur 428) de buses métalliques. Pour couronner le tout, en 1943 , catastrophe : la S. A. D. E. réalise que le réseau a été placé trop haut par rapport au niveau des basses eaux, et qu’en cas de sécheresse comme à cet été là, l’eau vient à manquer . On cherche l’auteur de cette erreur de débutant : les Ponts et Chaussées sont un temps incriminés, mais déclinent toute responsabilité : ils n'ont jamais été consultés sur ce sujet… La S. A.D. E.  présente en février 1944 deux nouveaux projets.  Un palliatif et l’autre de plus grande envergure...mais en pleine guerre, argent et matériel manquent.
  Le 30 août 1944, on inaugure à la va-vite  un  puits de secours foncé dans le sable de la Loire, près du quai de Médine:  la municipalité a demandé ces travaux en urgence aux Ponts et Chaussées voisins pour prévenir  le manque  d'eau  si le  pont de Loire se trouvait détruit lors de  prochains combats ou de sabotages (les canalisations qui relient l'usine de pompage sur  la rive gauche de la Loire à la ville, sur la rive droite,  passent par là). Dans cette installation de fortune, l'eau est aspirée dans le puits et refoulée dans la canalisation par un groupe électropompe de 10CV, récupéré à Fourchambault.  On en attend  un débit minimum de 600 mètres cubes par jour, ce qui alimentera au moins le centre de la ville.  Le raccordement du puits aux canalisations urbaines par la canalisation de la rue de la Parcheminerie, doit se faire  quelques jours plus tard , si les Allemands ne s'y opposent pas. Heureusement, ils partent 8 jours après et  le pont de Loire est sauvé de la destruction.
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 Après la guerre, la production annuelle stagne  à environ 1 800 000 m3 jusqu'en en 1959. Elle monte à  2 000 000 en 1961 grâce à de nouveaux captages réalisés  en 1960  . En 1964 le renforcement des moyens de pompage  fait passer le volume à 2 500 000 m3.

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