samedi 13 juillet 2024

Changeons le plomb en argent

 



  Bien que la tradition populaire locale  ait longtemps daté  l'exploitation de la mine de plomb argentifère  d'Alligny-en-Morvan de l'époque gallo-romaine, les historiens  en attribuent aujourd'hui la découverte au sieur Gaspard Quarré d'Alligny, seigneur du village  en 1640. 
 Ce dernier  tente l'exploitation de la mine, mais  après y avoir investi 1200 livres  il n'en n'en retire  qu'un  lingot d'argent valant  50 écus, soit  seulement 150 livres... Plus tard Jean Lombard, premier fondeur de canons de la province du Nivernais, peut exploiter  sur autorisation de Louis XV la mine d'Alligny  de 1734 à 1742, avant de l'abandonner . L'activité est alors reprise  par  l'inspecteur des mines  Paulin du Boulet, mais là encore, la rentabilité n'est pas au rendez-vous . 
  
Maret, duc de Bassano, la rouvre autour de 1855, mais l'extraction manuelle du minerai reste longue et difficile et son transport très cher : il faut conduire  le minerai brut en chars à boeufs jusqu'à Chagny pour le transborder sur le canal du Centre. Le duc de Bassano  se limite à l'exploitation les parties accessibles avant de stopper l'extraction. Le terrain  dit "champ de la mine"  est alors vendu et converti à l'agriculture.
   En 1910, un groupement  de   petits investisseurs locaux, reprend l'idée, et en 1912, la montagne est  creusée d'est en ouest et la  nouvelle installation minière  (telle que sur la photo)  est bénite par l'abbé Charrault, curé d'Alligny.    Mais la guerre de 14-18 arrive  et faute  de main d'oeuvre et de matériel il faut encore une fois suspendre l'activité: on noie la mine pendant  5 ans. 

   En 1919, la guerre est finie, mais l'ancienne société n'a plus les fonds nécessaires pour sa remise en état des installations; on doit les céder à un consortium :les Dubonnet, qui  exploitent la mine jusqu'en 1928 en engageant des travaux d'ampleur. Une ligne à haute tension  vient alimenter la mine en électricité et un embranchement particulier est implanté sur la ligne de chemine de fer  du "Tacot"  qui relie Nevers à Saulieu. L'usine est modernisée pour pouvoir broyer et concasser sur place le minerai de plomb,  qui est séparé  de sa gangue  de baryte, et  trié pour la fonderie par une "laverie". Des moulins et des fours  traitent aussi cette baryte  qui peut être fournie directement  à ses utilisateurs pour  la production de différents produits chimiques, peintures, mastics, isolants , disques de gramophone... Des spécialistes pensent  d'ailleurs que la revente de la baryte triée  peut à elle seule absorber toutes les charges d'exploitation de la mine. 
   En 1928, les  Dubonnet cèdent l'affaire à la Société Minière de France. 

  La mine compte alors plus d'une centaine d'ouvriers au fond et à la  surface, supervisés  par quelques  cadres  formés d'abord  localement.  Plusieurs dizaines d'ouvriers étrangers sous contrat  y travaillent périodiquement: Italiens , Polonais, Yougoslaves, Espagnols, Marocains. pour lesquels on construit  à proximité une cité ouvrière,   avec 7 bâtiments en bois, dont l'un de 40 m sur 12 et un autre  de 32 m sur 10, avec leur toit  en ardoises et en "everite" ' ( c'est à dire du fibrociment bien amianté...)
  En 1929, le  puits  central de  la mine a 115 m de profondeur. De là partent  plusieurs galeries d'une longueur totale de 4,5 km. Le puits est couronné par un chevalement métallique de 17 m de hauteur, muni des équipements de sécurité  des mines: cage à double compartiment, étagée avec parachute, treuil électrique... " 


    Pendant les années  1928-1929, pendant les travaux d'aménagement, 3 tonnes de plomb sortent  par jour, triées et prêtes à être fondues. Quand à l'argent, on en extrait , selon les endroit, de 0,200 à 3 kg par tonne de plomb. 
  Au début de 1930, au moment où la mine, bien aménagée, commence à atteindre son meilleur rendement, c'est la crise: le cours  mondial des métaux  s'effondre. La Direction de la compagnie par ailleurs engagée dans des placements peu sûrs hésite... avant de décider la  fermeture, qui sera  celle-là définitive. La mine est de nouveau noyée,  probablement avec une bonne partie du  matériel  ( rails , tuyaux, wagonnets...) L'ensemble est adjugé en trois lots pour la somme totale  de seulement  171 832 Fr ( la mine et ses travaux avait coûté plusieurs millions de francs de l'époque ) . K. Nibling, entrepreneur de travaux publics,  rachète les terrains  et  se sert d'une partie des galeries pour entreposer des explosifs. En 1959,il  exploite encore les sables provenant des "laveries" du minerai.





1 commentaire:

  1. Pas une mine, mais plutôt un gouffre... financier!
    Je me souviens avoir gratté dans les déblais pour chercher des cristaux, mais là aussi, c'était pauvre.

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