vendredi 29 novembre 2019

Une histoire industrielle nivernaise, épisode 2/5 1918-1938. Th Pilter.





     Comment le rachat en 1918 pour 725.000 Francs de l'époque, de l'intégralité  (batîment,  terrains et matériel)  de la société  Ferdinand Meslé,  à Nevers, s’inscrit  il dans l’histoire de la Société Th.Pilter? Pour le comprendre il faut revenir en arrière au 19ème siècle.  


  Th .Pilter est la contraction du nom de Thomas Pilter , un citoyen britannique né en en 1816 dans la région de Newcastle.  Fils d’un célèbre  pasteur et théologien méthodiste, il débute sa carrière  en gérant le moulin à filer le lin de son oncle, puis, en 1841, il part  en Normandie, comptant bien  profiter du boom économique lié à l’industrialisation des filatures et du tissage de cette fibre dans le nord-ouest de la France.  
   Au milieu des patrons normands, tous équipés en matériel anglais,  il se définit lui-même comme Ecossais  (et non Anglais) et affirme, « n’utiliser que des machines françaises », alors même qu’à cette époque, ...seul le Royaume- Uni sait les fabriquer.  Et tous ses employés, possédant le savoir-faire nécessaire, sont gallois ou anglais. Nous retrouverons ce tropisme «plus français que les français » tout au long de l’histoire.

  En 1864, profitant de la toute nouvelle loi sur la création des sociétés anonymes en France , il revend sa filature et  fonde avec l’aide de capitaux américains  la Société Anonyme Th .Pilter.  Au capital de 5 000 000 de Francs de l’époque ( entre 6 et 10Millions d’Euros d’aujourd’hui ) cette entreprise va se consacrer à l’importation de matériel agricole  américain et britannique revendu en métropole et dans les colonies françaises d’Afrique du Nord.  Toujours a l'affut des dernières évolutions techniques , son produit phare sera la moissonneuse lieuse Wood.( avec liage des bottes  à la ficelle, et non au fil de fer!..donc sans danger pour le bétail)



 Egalement au catalogue, des charrues,  des barattes, des concasseurs ,des éoliennes, des machines à râper les os et à fouler le raisin, des semoirs ....L'entreprise dispose d'entrepôts au 24 rue Alibert à Paris. près de l'hopital Bichat.
    Thomas Pilter décède en 1892 à Paris. Son fils John-George, né en France en 1848 hérite de ses biens et continue l'affaire En 1895 les locaux de la rue Alibert sont détruits par un incendie et seront partiellement reconstruits au début du 20ème siècle. L'expansion du machinisme agricole se poursuit,  y compris pendant la guerre de 14-18 . L'importation de matériel américain , moins  touché par la pénurie de métaux et pouvant aussi être utilisé comme engins de terrassement, se porte bien, tandis que les entrepreneurs  locaux comme Ferdinand Meslé accumulent les difficultés, entre chute des débouchés, manque de matière première et de main d'oeuvre qualifiée.
 
  Alors pourquoi cette prise de contrôle d'un modeste fabricant de semoirs et d'épandeur d'engrais à Nevers par une quasi-multinationale qui disposait déjà de ces matériels dans son catalogue d'importations?

  Il y a bien sûr d'abord l'opportunité  d'un achat à bon compte d'une société mal en point par une entreprise ayant bien gagné de l'argent pendant la guerre. (Pilter  figure sur la liste des sociétés concernées par la loi du 1er juillet 1916 taxant les bénéfices exceptionnels réalisés pendant le conflit)

  Une autre raison est la volonté d'apparaitre au yeux de la clientèle comme une société  "bien de chez nous" dans une apparence de "patriotisme économique" avant l'heure déjà pratiquée par Th.  Pilter père dès le 19ème siècle...

 L'utilisation sur les documents commerciaux d'une vue du tableau de Rosa Bonheur "Labourage Nivernais", est tout sauf innocente à cet égard.





    Enfin, les locaux du 24 rue Alibert sont exigus  et maintenant enclavés dans Paris.  La société  a besoin de surfaces  de stockage et d’expéditions plus vastes, notamment pour toutes les machines américaines qui arrivent en pièces détachées et sont assemblées en France. En Amérique, on expédie souvent les machines démontées, chaque pièce étant soigneusement numérotée,  le fermier à l’autre bout du pays sachant  effectuer lui-même le montage . C’est ce principe que Th. Pilter peut mettre à profit pour « franciser » ses productions  quai de la Jonction : à partir des années 20 l’expédition des moissonneuses et des équipements les plus encombrants se fera depuis Nevers.  
  Le fait de disposer d’une part d’assemblage local   permet  aussi de  réduire les frais de transports depuis l’étranger ainsi que  de s’affranchir des fortes taxes d’importations et des effets de la dévaluation du franc  dans l’immédiate après guerre.


  En 1920 Th. Pilter  prend aussi une participation de plus de 2millions de francs dans la nouvelle usine de tracteurs Austin à Liancourt ( Oise)   prévue pour produire 2000 tracteurs par an.
     Parallèlement, la production des produits de la gamme héritée de F. Meslé continue à Nevers, principalement de semoirs et épandeurs d'engrais.
  


 Dans les années 20, Th Pilter fait agrandir les locaux . Le batiment moderne à  structure métallique visible sur cette photo aérienne de 1925 ( entouré d'un ovale, juste en dessous du batiment original Meslé, tout en longueur) est doté de travées supplémentaires.








Les destinations des différents batiments figurent sur ce plan-calque réalisé à la fin des années 20.


 

vue aérienne en 1924



Plan de l'usine Pilter de Nevers  , vers 1928

provenance:  Centre des archives industrielles et techniques de la Moselle

L'étang le long de la digue de Sermoise n'a pas encore  été comblé


1927: intérieur de l'usine





Pilter rachète aussi  à l'Etat une partie de la digue de Sermoise pour pouvoir y adosser ses ateliers de menuiserie.




 L’activité de Th. Pilter en tant qu’assembleur et producteur à Nevers se maintiendra dans des conditions satisfaisantes jusqu’à la crise des années 1930.


Petit tracteur Pilter  monocylindre exposé en 1926 au salon de la Machine Agricole 

   La montée du protectionnisme dans le monde ainsi que les grandes difficultés des entreprises de machinisme agricole américaines fournissant Pilter  font chuter le volume des importations de matériel en provenance des Etats-Unis. En 1934 , l’usine de tracteurs Austin de Liancourt, dans l'Oise, qui n’a jamais atteint ses objectifs de production  et dans laquelle la société  a beaucoup investi  cesse son activité de série.


   En 1935, John George Pilter ( fils du fondateur) décède sans héritier (mâle...) susceptible de continuer l’affaire. A partir de cette date, les difficultés financières s’accumulent et  l’activité nivernaise vivote . En octobre 1938, la presse économique annonce l’installation de la S.F.A.N., entreprise aéronautique, dans les locaux de Pilter, sous la forme d'une location avec promesse d'achat.
   Clap de fin pour l’ère du machinisme agricole au 4 quai de la Jonction. Une autre histoire commence, celle de l'aviation.
c'est à suivre ->ICI.

mercredi 27 novembre 2019

Nevers, c'est trop moche..





.... dit ce voyageur de novembre 1902


... quant à Bourges, .... c'est pas mieux!
     Pourtant .... c'est devenu pas si mal-> ICI !

lundi 25 novembre 2019

Habillée pour l'hiver

... l'église de Bethléem  de Clamecy, en travaux de consolidation....


....ou préparée pour un numéro de magie?


dimanche 24 novembre 2019

Faites tourner




  La gare jurassienne de Saint Claude, capitale de la pipe,  est  inaugurée le 21 juillet 1889. Elle comprend au départ un pont tournant de 14 m de diamètre pour permettre le retournement des locss.
  En 1924-1925, on le  remplace par un modèle plus grand de 17m de diamètre qu'on peut encore voir de nos jours
 Ce modèle  a été fabriqué par les Fonderies et Ateliers de Construction de Fourchambault et La Pique, et il est identique à celui de la gare de Morez . Un tablier métallique  supporte deux rails fixés directement sur lui et est soutenu par un pivot central (haut d'environ 1, 80 à 2 m).  le tout  à l'intérieur d'une fosse en maçonnerie. Le tablier est muni à chaque extrémité de deux roues tournant sur le rail circulaire visible on fond de la fosse.  Il est mis en mouvement à la main en poussant deux barres amovibles, qui se fixent sur un support placé à chaque extrémité.

 Trois plaques en fonte, avec inscriptions en relief indiquent " Fonderies et Ateliers / de Construction de / Fourchambault et la Pique / Magnard & Cie / 1896, et T - 8 / N° 34."
La date de 1896 suggère que ces éléments ont été réemployés .

 photo  Yves Sancey  - © Région Franche-Comté, Inventaire du patrimoine,

vendredi 22 novembre 2019

Une histoire industrielle nivernaise, épisode 1/5 :1907-1918.: Ferdinand Meslé, matériel agricole.

      En 1908, Ferdinand Meslé Fils est  fabricant de matériel agricole  à Nevers. Il a succédé à son père, Ferdinand Meslé aîné, décédé en 1900. Depuis la fin du 19ème siècle l'entreprise familiale Meslé- Beauchet, originairement spécialisée dans la ferronnerie,  produit et commercialise une gamme de semoirs , herses et  épandeurs d'engrais .
 Il vient de confier à la Société des Ciments  Hennebique  un projet  pour un nouvel atelier  au sol entièrement bétonné.





     Va-t-il agrandir son atelier du 34 rue du Mouësse ? C'est peu probable: l'atelier actuel est à un angle de rues,  coincé entre les chaussées et un hôtel- restaurant très fréquenté.  Sa desserte est peu pratique et le voisinage peu favorable au bruit de  la ferraille qu'on y  travaille. Le risque d'être frappé d'alignement sur cette intersection avec une route nationale  ne doit pas non plus être négligé.*

      Ferdinand Meslé doit donc chercher de la place là où on pourra en trouver.  
  Justement. l' année précédente (1907) a eu lieu une  crue de Loire très importante. L’eau à atteint à Nevers 5,34 mais,  contrairement à  1846 , 1856 et 1866, la ville n'a pas été inondée. 

  La crue de 1866 avait en effet emporté les défenses construites pour contrer  les effets de celles 1856, qui elle même  avait emporté celles construites depuis la crue de 1846 , qui,etc..   
 Les mesures prises depuis la crue précédente pour éviter la submersion de la ville et des berges ont donc montré une certaine efficacité. Suivant les préconisations de l'ingénieur Comoy,  on a préféré renforcer les protections et implanter des déversoirs  plutôt que de rétrécir encore  le lit et rehausser les ouvrages d'art existants. 


  En 1907, les digues ont donc tenu et si certains secteurs- la Jonction, l'arrière de la levée de Médine- se sont retrouvés les pieds dans l'eau, c'est davantage par remontée des nappes phréatiques que par submersion.




    Nonobstant le fait qu’en 1907, l'eau était montée 1 mètre en dessous du niveau de 1866, l'Etat et la municipalité déclarent alors prestement totalement constructibles les terrains situés derrière les digues sur les deux rives du fleuve…

  Rive gauche, le secteur de la Jonction, est aménagé depuis 1860 derrière les digues de la Blanchisserie (au premier plan de la vue ci dessous) et de la Jonction ( coté gauche du triangle) et adossé à celle, plus ancienne , de Sermoise. Il sera fini d’être cédé par l'Etat- qui était propriétaire des emprises du Canal- à la municipalité de Nevers en 1910.



    

 Pour revenir à Ferdinand Meslé, ce dernier est  propriétaire par héritage d'un terrain dit "Enclos de la Jonction", qui, entouré de prés et d'oseraies, servait auparavant de résidence  de campagne familiale.

document du Centre des archives industrielles et techniques de la Moselle


document du  Centre des archives industrielles et techniques de la Moselle


Plan en couleurs de la propriéte des Meslé, à la Jonction, en 1902.

Document conservé au  Centre des archives industrielles et techniques de la Moselle


    Ferdinand Meslé va donc  transférer  son usine de matériel agricole , en construisant au  4 quai de la Jonction  un bâtiment  de plus de 1000m2, à charpente en bois de châtaigner posée sur des fondations en ciment , lui même installé sur presque 5ha  de terrain. 


Etat en 2014




les anciens ateliers de la rue du Mouësse , époque Compain-Boyer 

   Ses locaux de la rue du Mouësse sont repris par un concurrent, la société Compain-Boyer , qui exercera jusque dans les années 30.

 La famille Meslé elle-même résidera maintenant au 13 de la très chic avenue Victor Hugo.  



   Les bâtiments industriels sont vite agrandis par une construction en charpente métallique, visible sur le cliché ci dessous, le bâtiment "historique" se trouvant au fond. La société Meslé emploiera jusqu'à 200 ouvriers.


Vers 1912. Ces bâtiments existent toujours. 

La cheminée n'a été démolie que dans les années 80.


  Les perspectives d' expansion de la société Meslé se brisent malheureusement sur les réalités économiques de la grande Guerre 1914-1918 .


collection personnelle Géo Daszner

  Effondrement des débouchés agricoles, réquisition des matières premières, remboursement des emprunts: les difficultés ont raison de la santé de  Ferdinand Meslé, qui devra vendre son entreprise en février 1918 à la maison Th. Pilter, un de ses concurrents..
 

F Meslé et Pilter au concours agricole de Lyon en  1907

   Mais ceci est une autre histoire...que nous vous raconterons prochainement.


* le 34 rue du Mouësse de nos jours...: ... ex-Pôle Emploi.