En 1827, le maire de Nevers, M. de Bouille, entreprend -pour des raisons surtout éléctoralistes, semble-t-il - de doter la ville d'un système de distribution d'eau . Il promet à ses administrés de leur fournir 600 m3 d'eau de Loire par jour à raison de 10 litres par habitant et de 30 litres par cheval de la garnison, alors basée place de la Résistance.
Une machine à vapeur censée délivrer 12 CV doit refouler l'eau jusqu'à un réservoir d'une capacité de 650 m3, situé à 32 mètres au-dessus de la Loire, d'où elle s'écoule par gravité.
 |
plan du batiment de la pompe à feu
|
La "première pierre" de ce réservoir est posée en juillet 1830 par la Duchesse d'Angoulême, seule enfant survivant de Louis XVI. L'installation est adossée à un batiment situé à l'emplacement l'actuel Hôtel de Ville, dans ce qui deviendra la rue Sabatier .
 |
Le chateau d'eau sur un plan de 1839
|
 |
dessin du chateau d'eau de la rue Sabatier, tel qu'il aurait dû être.
|
|
|
|
De fait, le réservoir, à la construction approximative, reste inachevé . Il faut sans cesse le réparer et colmater les fuites. Les statues représentant la Loire, la Nièvre ou d'autres cours d'eau logées dans les niches aménagées sur sa façade ne sont jamais réalisées. Le bâtiment est démoli en 1862 .
La tuyauterie d'amenée passe sur le Pont de Gêne , un ouvrage en charpente enjambant la gare -à bateaux- de la Nièvre, et bâti en 1829 spécialement pour cet usage .( Il était dénommé « pont de Gêne » car sa structure représentait une contrainte pour les mariniers.)
L'eau emprunte ensuite la rue Casse-Cou, croise celles des Ratoires, de la Parcheminerie, des Sept-Prêtres, de l'Évêché, de la Basilique et la place de l'Hôtel-de-Ville. L'installation est achevée en 1830, pour une dépense plus de 250 000 francs. La machine à vapeur (appelée "pompe à feu") est implantée quai de Médine.
 |
le "pont de gêne" traverse l'embouchure de la Nièvre au droit de la pompe (1856)
|
 |
vue "aérienne" de 1848 , avec la pompe à feu et le "pont de gêne" |
Le système de distribution ne fonctionne pas comme prévu : la pompe à feu manque de puissance et n'est guère fiable, elle enfume le voisinage, et la couverture du réseau de distribution est insuffisante : les hospices, la caserne et quelques établissements sont alimentés, tandis que des quartiers entiers doivent continuer à utiliser des puits . En 1842, on étend le réseau : vingt bornes fontaines sont installées, mais une grande partie de la ville (y compris l'abattoir) ne sont toujours pas raccordés. L'eau, pompée en aval des bateaux-lavoirs et au confluent avec la Nièvre, véritable égout à ciel ouvert, est de mauvaise qualité bactériologique. Boueuse en hiver, trop chaude en été, elle souffre d'une épuration rudimentaire. Les bourgeois qui utilisent cette eau ont en général chez eux un système de filtres à charbon individuel pour au moins assurer la "transparence" de l'eau servie à table.
En 1849 on se met en tête de venir chercher l'eau des fontaines de Veninges et des Bouillons (rue de l'Aiguillon ). Les eaux de sources sont réputées meilleures que celle du fleuve, mais leur débit a été surestimé par les ingénieurs, et elles sont elles-mêmes polluées par les déjections des élevages : il faut donc continuer à utiliser la vieille pompe de Loire du quai de Médine. qui n'a pas pour autant été abandonnée...
A partir de 1851 , à l'arrivée du Chemin de Fer à Nevers, la ville prête la pompe à feu à la Compagnie du Chemin
de fer du Centre (puis au P.L.M) ,qui s'engage à vendre toute l'eau nécessaire à la ville
(jusqu'à 500 m3) au prix de 9 c. le m3. En 1959, le P.L.M. construira ses propres installations en pompant l'eau directement dans la Loire au niveau du viaduc, rive droite.
En 1857, la ville décide de réaliser de nouvelles installations. En 1860, une usine élévatoire à vapeur deux fois plus puissante est mise en service sur la rive gauche de la Loire au Plateau de la Bonne -Dame, à l'abri de la digue construite après la crue de 1856.
L'eau pompée dans un filtre est projetée dans un tuyau qui traverse le pont de Loire, les rues Saint-Genest, du Midi, de la Gare, et parvient enfin au réservoir Saint-Gildard.
 |
L'emplacement de l'usine élévatoire sur un plan de 1874
|
 |
et sur un plan de 1890 |
 |
on aperçoit l'usine à droite sur cette vue du début du XXème siècle
|
 |
Cloche filtrante installée dans les bancs de sable.
|
A cent cinquante mètres au-dessous du pont de Loire dans le banc de sable qui longe la digue, sur une base en maçonnerie solide, posée sur le fond rocheux on a construit un cylindre en fonte percé de
trous, à sommet en coupole de cinq mètres de diamètre encore visible aujourd'hui ( le niveau du sable ayant entre temps baissé de environ 1,5m). L'appareil est enveloppé d'un manchon de gros cailloux, puis d'un second de gros
gravier, puis d'un autre de graviers fins, et le tout se trouve immergé dans le banc de sable. Les cailloux retiennent le gros gravier, celui-ci
le gravier moyen, ce dernier empêchant la pénétration des sables fins, et c'est à travers ces couches multiples que se fait la filtration de l'eau.
Toute cette technologie ne permet toutefois pas de fournir l'eau partout et à tous les étages. En 1886, pour augmenter la pression dans le réseau, on projette d'installer une deuxième machine à vapeur, une conduite d'aspiration passant de 20 à 30 cm de diamètre et un réservoir supplémentaire en béton installé aux Montapins, alimenté par une conduite posée dans la lit de la Loire.
 |
1887: projet de canalisation enfouie dans le lit de la Loire vers le réservoir des Montapins ( archives de la Nièvre) |
Les travaux estimés à 168 000 francs sont votés par le Conseil municipal, mais ne sont pas entièrement effectués, apparemment en raison d'obstacles contractuels avec le concessionnaire du réseau.
 |
Les restes des canalisations se dirigeant vers le réservoir des Montapins
|

A Nevers, les conduites sont, d'abord, en plomb, en fonte avec
joints de plomb, puis en fer système Chameroy et, après, 1914, en acier.
Les
canalisations alimentant le réservoir des Montapins sont réalisées
selon le procécé Chameroy: de la tole de fer étamée intérieurement est
soudée en hélice et recouverte d'une couche de un à deux centimètres de
bitume, elle même retenue par une sort de corde enroulée en hélice sur
la tôle même du tuyau . Ceci pour l'isoler de la corrosion et de
l'abrasion et permettre de la poser directement au sol en limitant les
travaux de génie civil . Cette technique est très efficace: des milliers
de km de ce type de conduites transportant le gaz et et l'eau sont encore en
service en région parisienne dans les années 2000.
 |
Tuyau Chameroy: noter la soudure en hélice caractéristique
|
Jusqu'en 1910 et la reprise du servie en régie municipale directe les eaux restent de mauvaise qualité. Les fontaines de
Veninges et de Jeunot (à Urzy à 8 km de Nevers), toujours utilisées, sont infectées par les effluents des étables,
et la nouvelle prise d'eau rive gauche est implantée en aval de deux fabriques de gélatine,
des bateaux-lavoirs, des égouts de Nevers, ainsi que de l'embouchure de la Nièvre, qui n'est pas plus propre qu'auparavant . Le réseau n'approvisionne que 8000 des 27000 habitants de Nevers. Et jusqu'à cette date il est impossible d'imposer aux usagers l'installation de compteurs ainsi qu'une facturation au mètre cube consommé.
Il faudra attendre l'installation des zones de pompage du Peuplier Seul et surtout l'amélioration progressive des procédés d'épuration (d'abord par javellisation) pour avoir à Nevers une eau à peu près saine.