Écrans
d'ordinateurs béants.
Réfrigérateurs en état de veille.
Des contrats de location commerciale non honorés, des
formulaires d'état des lieux vierges qui remplissent les armoires brûlent tout
le jour dans les poêles à sciure vomissant leur fumée par des tuyaux coudés, jaillissant en surplomb des long
murs par les doubles vitrages découpés en cercles à la pointe de diamant.
Sur l'escalier de secours métallique, des
lambeaux de tissus délavés décorent les pointes d'acier qui défendent l'accès
des étages supérieurs et l’amiante rampant dans les conduits d’aération.
Chaque soir, le démarrage des turbines dans la Centrale
électrique coïncide avec l'entrée en vigueur du couvre-feu.
Les lumières s'allument autour du réacteur pendant
que l'éclipse recouvre le reste de la
ville.
Monsieur le Maire a convié tous les Élus de la
journée à savourer ce paradoxe du haut de son building. La rumeur populaire et
les feuilles volantes à sa solde, lâchées du haut des gratte-ciel municipaux,
se font l'écho de ces mondanités. La Salle des fêtes, toute en hauteur, est inaccessible, hors par les
escaliers de béton nu sur lesquels s'ouvrent les portes pare-feu marquées du
nom de chaque nouveau locataire.
Je dépose mon porte-documents sur une
chaise à roulettes étrangement dépoussiérée sous un calendriers illustrés par les images de quartiers d'affaires internationaux, comme autant de passeports périmés pour un passé qui a fini d’échapper à presque
tous les invités.
Je
viens d'arriver.
On me
salue de tous cotés.
Jamais je n'étais monté si haut. .
Chacun parait attendre l'ouverture de mon porte-documents. On
m'abreuve des conversations sur le débit
de la Centrale, suffisant-mais pour combien de temps encore- pour alimenter les
servitudes extrêmes des buildings construits à la hâte au bord du fleuve royal.
Il me semble qu'il s'agisse là d'une ancienne et irréversible habitude dont
personne ne songe à se défaire..
Maintenant, Monsieur le Maire parle
Certains d'entre nous se souviennent encore: Monsieur le
Maire, donnant ses réceptions du dimanche, quand les ascenseurs se refermaient
sur les bureaux aux moquettes chargés d'électricité statique,. Monsieur le
Maire disant, déjà: "Cette ville m'appartient. Vous en êtes qles hôtes pendant le temps que je
jugerai nécessaire."
Tous admirent la façon dont il a survécu à la ruine de la
spéculation, en lançant la mode d'habiter soi-même ses bureaux désaffectés. La
croyance qu'il abrite dans son gratte-ciel les Services d'Entretien de la
Centrale électrique n'est pas pour lui ôter des suffrages indispensables lors de la prochaine réunion du Collège Électoral.
Les cocktails tiédissent dans les verres
malgré la nuit fraichissante, Monsieur le Maire a pour programme électoral favori le récit de ses succès passés.
Au sommet des deux condenseurs à la silhouette de toupies, la vapeur témoigne maintenant de l'arrivée de
courant électrique frais provenat de la Centrale. Comme moi , les invités
semblent ressentir la poussée de tension qui abreuve le réseau, fait briller
les lampes, allège la souffrance pleurnicharde du tourne - disques. Un ventilateur
à trois pales, recouvert de papier d'aluminium, se met à brasser l'air confiné
par le blocage de la climatisation tandis qu’en bas, sur les quais
les pêcheurs tentent d'attirer les silures à la flamme de leurs briquets à
essence.
(à suivre ->ici)
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