lundi 23 mars 2020
Cuirassé funèbre
Le 12 mars 1907, le cuirassé "Iéna" est en carénage dans le port militaire de Toulon, pour une révision de sa coque.Celle-ci est presque terminée quand, vers une heure de l’après-midi, une première explosion se produit et une grande flamme jaillit alors d'une cheminée. L’incendie se propage rapidement dans les soutes et les magasins à torpilles, qui explosent les unes après les autres , soufflant les toitures de trois ateliers et endommageant les navires proches. Les dégâts matériels et les pertes humaines sont considérables. Sur 630 hommes d'équipage, 37 sont blessés et 100 morts. auxquels ils faut ajouter 18 décès alentour.
Des obsèques nationales ont lieu le samedi 23 mars sur la place d’Armes à Toulon en présence du Président Armand Fallières, puis les victimes sont inhumées dans leur région d'orgine comme c'est la cas pour les victimes originaires de la Nièvre, le second -maitre mécanicien Boudot et le mécanicien Beauvais
Comme d'habitude en ces temps de combats politico-religieux sur fond de loi de séparation de l'Eglise et de l'état , les funérailles sont le prétexte à une polémique ...
Dans le Journal de la Nièvre, on écrit:
M Alfred Massé (NdR à l'époque député Radical-Socialiste de la Nièvre) a manqué de politesse à l'égard d'un grand nombre de Nivernais, mais surtout vis-à-vis des deux familles Boudot et Beauvais.
Ayant suivi le cortège depuis la gare il s'est arrêté à la porte de l'église et n'en a point franchi le seuil C'est de sa part un manque de convenance à l'égard de toutes les personnes qui sont entrées, principalement à l'égard des deux familles qui conduisaient le double deuil si douloureux. Ces familles. ces Nivernais, ne demandaient pas à M. Massé de renoncer à ses croyances pour accepter les leurs En revanche, il ne devait pas, s'il avait quelque politesse, s'arroger le droit d'infliger un blâme à ces familles en se détournant d'elles. Il ne saurait s'excuser en prétendant que c'est de la religion qu'il s'est écarté. En réalité, il s'est écarté des personnes suivant le convoi funèbre, et c'est à ces personnes qu'il a manqué de politesse.
L'une des autres "victimes" nivernaises est Robert Thomas, qui est passé par le Lycée de Nevers Entré à l’École navale en 1881 et commence sa carrière en 1883, comme aspirant sur le cuirassé « Le Trident » de l’escadre de la Méditerranée, expédié au Tonkin et à Madagascar. puis sur une canonnière combattant les pirates des mers de Chine
En 1907, il est commandant en second sur le cuirassé « Iéna » . Son portrait figure au parloir de l'ancien Lycée de Nevers détruit en 1944. À l’occasion de ses funérailles, les notables nivernais manifestent leur sympathie de diverses manières.
Son frère jumeau écrit une lettre de remerciements au Maire de Nevers, publiée dans Le Journal de la Nièvre du jeudi 4 avril 1907 : " Frère jumeau du lieutenant de vaisseau Thomas, victime de la terrible catastrophe de l’Iéna, je tiens à vous remercier bien vivement des marques d’affectueuse sympathie et de souvenir que vous avez données à mon malheureux frère, dans la triste cérémonie de l’enterrement des victimes de l’Iéna. J’ai l’honneur de vous en exprimer toute ma reconnaissance émue ; ayant passé, mon frère et moi, cinq années au lycée de Nevers, de la cinquième à la rhétorique,"
Une enquête parlementaire sur l’origine de la catastrophe est immédiatement ouverte. qui met en cause la "poudre B" (une poudre à canon générant peu de fumée , au contraire de la poudre noire utilisée traditionnellement ) . En vieillissant, celle se décompose, devient instable et s’auto-allume. C'est le début de la fameuse « affaire des poudres », lors de laquelle Léopold Maissin, alors directeur de la poudrerie du Moulin blanc près de Brest et Albert Louppe, directeur de la poudrerie de Pont-de-Buis se rejètent réciproquement les responsabilités. Cette polémique, relancée en novembre 1911 par l’explosion du cuirassé Liberté. durera jusqu’en 1914,
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