jeudi 9 mai 2019

Après la chute des cours

CECI EST UNE FICTION.
 

             Écrans d'ordinateurs béants. 
             Réfrigérateurs en état de veille. 
             Des contrats de location commerciale non honorés, des formulaires d'état des lieux vierges qui remplissent les armoires brûlent tout le jour  dans les poêles à sciure vomissant leur fumée par des tuyaux coudés, jaillissant en surplomb des long murs par les doubles vitrages découpés en cercles  à la pointe de diamant.
   Sur l'escalier de secours métallique, des lambeaux de tissus délavés décorent les pointes d'acier qui défendent l'accès des étages supérieurs et l’amiante rampant dans les conduits d’aération.

            Chaque soir, le démarrage des turbines dans la Centrale électrique coïncide avec l'entrée en vigueur du couvre-feu.
  Les lumières s'allument autour du réacteur pendant que  l'éclipse recouvre le reste de la ville.
  Monsieur le Maire a convié tous les Élus de la journée à savourer ce paradoxe du haut de son building. La rumeur populaire et les feuilles volantes à sa solde, lâchées du haut des gratte-ciel municipaux, se font l'écho de ces mondanités. La Salle des fêtes, toute  en hauteur, est inaccessible, hors par les escaliers de béton nu sur lesquels s'ouvrent les portes pare-feu marquées du nom de chaque nouveau  locataire.        
 Je dépose mon porte-documents sur une chaise à roulettes étrangement dépoussiérée  sous un calendriers illustrés par les images de quartiers d'affaires internationaux, comme autant de passeports périmés  pour un passé  qui a fini d’échapper à presque tous les invités. 
   Je viens d'arriver.
  On me salue de tous cotés.
 Jamais je n'étais monté si haut. .
 Chacun parait attendre  l'ouverture de mon porte-documents. On m'abreuve des conversations  sur le débit de la Centrale, suffisant-mais pour combien de temps encore- pour alimenter les servitudes extrêmes des buildings construits à la hâte au bord du fleuve royal. Il me semble qu'il s'agisse là d'une ancienne et irréversible habitude dont personne ne songe à se défaire..

            Maintenant, Monsieur le Maire parle
            Certains d'entre nous se souviennent encore: Monsieur le Maire, donnant ses réceptions du  dimanche, quand les ascenseurs se refermaient sur les bureaux aux moquettes chargés d'électricité statique,. Monsieur le Maire disant, déjà: "Cette ville m'appartient. Vous en  êtes qles hôtes pendant le temps que je jugerai nécessaire."







            Tous admirent la façon dont il a survécu à la ruine de la spéculation, en lançant la mode d'habiter soi-même ses bureaux désaffectés. La croyance qu'il abrite dans son gratte-ciel les Services d'Entretien de la Centrale électrique n'est pas pour lui ôter des suffrages indispensables  lors de la prochaine réunion du Collège   Électoral.

   Les cocktails tiédissent dans les verres malgré la nuit fraichissante, Monsieur le Maire a pour programme électoral  favori le récit de ses succès passés.

            Au sommet des deux condenseurs  à la silhouette de toupies,  la vapeur témoigne maintenant de l'arrivée de courant électrique frais provenat de la Centrale. Comme moi , les invités semblent ressentir la poussée de tension qui abreuve le réseau, fait briller les lampes, allège la souffrance pleurnicharde du tourne - disques. Un ventilateur à trois pales, recouvert de papier d'aluminium, se met à brasser l'air confiné par le blocage de la climatisation tandis qu’en bas, sur les quais les pêcheurs tentent d'attirer les silures à la flamme de leurs briquets à essence.
 (à suivre ->ici)

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